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Constitution européenne : les thèmes qui fâchent

LIBERALISME

ARTICLE 1-3 : Les objectifs de l’Union
1. L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.
2. L’Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée.
3. L’Union œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive,[…]
ARTICLE 1-4 : Libertés fondamentales
et non-discrimination
1. La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement, sont garanties par l’Union et à l’intérieur de celle-ci, conformément à la Constitution.

NON, parce que…
Dès les objectifs fondamentaux de l’Union on trouve la sacralisation du libéralisme économique avec l’affirmation selon laquelle le « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ». Une fois posé ce principe, tout le reste apparaît comme secondaire. L’aspect « social » de l’économie de marché proposé à l’alinéa suivant n’a qu’une valeur formelle, étant contredit par la priorité donnée dans le même article à la « stabilité des prix » et au caractère « hautement compétitif » des économies qui se traduit, en économie libérale, par la course au rendement capitaliste. L’article 1-4-1 place d’ailleurs sur un plan identique « la libre circulation des hommes, des services, des marchandises et des capitaux », classée indistinctement parmi les « libertés fondamentales » : c’est une « innovation » majeure par rapport à la Constitution française. Une fois ces prémisses de la Constitution posées, le texte en tire les conséquences en redéfinissant les « fonctions essentielles » des États (article 1-5-1), ramenées exclusivement à leurs fonctions « régaliennes ».
L’article III- 130-4 prévoit de tenir compte de « l’ampleur de l’effort que certaines économies présentant des différences de développement devront supporter pour l’établissement du marché intérieur » ceci sonne comme une véritable mise en garde. L’économie et les populations de certains Etats pourraient faire les frais plus que d’autres des sacrifices imposés au nom de la thérapie de choc prescrite par le libéralisme de la constitution.

DU DROIT AU TRAVAIL AU DROIT DE TRAVAILLER

ARTICLE 11-75 : Liberté professionnelle et droit de travailler
1. Toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée.
2. Tout citoyen de l’Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s’établir ou de fournir des services dans tout Etat membre.

NON, parce que…
Le droit au travail et à l’emploi est, lui, réduit au « droit de travailler » et à « la liberté de rechercher un emploi, de travailler, de s’établir et de fournir des services » (article 11-75). C’est là un recul très grave par rapport à la Constitution française de 1958, qui reprend le préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le droit d’obtenir un emploi » et par rapport à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1958, qui stipule que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ». De même, il n’est fait référence nulle part à une quelconque idée de « durée légale du travail », les institutions européennes ne connaissant que celle de « durée maximale ». Enfin, s’il est précisé que les travailleurs étrangers doivent jouir des mêmes « conditions de travail » que celles dont bénéficient les citoyens de l’UE, rien n’est dit sur l’égalité du point de vue du droit du travail.

EMPLOI : PRECARISATION ET FLEXIBILITE

ARTICLE III-203
L’Union et les États membres s’attachent, conformément à la présente section, à élaborer une stratégie coordonnée pour l’em¬ploi et en particulier à promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, formée et susceptible de s’adapter ainsi que des marchés du tra¬vail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie, en vue d’atteindre les objectifs visés à l’article 1-3.
ARTICLE III-204
1. Les États membres, au moyen de leurs politiques de l’emploi, contribuent à la réalisation des objectifs visés à l’article III-203 d’une manière compatible avec les grandes orientations des politiques économiques des États membres et de l’Union, adoptées en application de l’article III-179, paragraphe 2.

NON, parce que…
Les politiques de l’emploi à l’échelle de l’Union, comme à l’échelle des Etats, sont soumises au principe directeur d’une « économie de marché où la concurrence est libre et non faussée ». Dès lors, la « stratégie coordonnée pour l’emploi » (article III-203 et III-204-1), qui prétend viser « un niveau d’emploi élevé » (article III 205-1) ou « tendre » vers le plein-emploi (article 1-3-3), constitutionnalise en fait la précarité de l’emploi.
Comme le précise l’article III-203, il s’agit pour la « main-d’œuvre » de « s’adapter ». Autrement dit, la flexibilité devient la norme du travail : les salariés pourront se voir contraints d’accepter n’importe quel emploi. L’ambition visée dans ledit article de « marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie » équivaut dans la pratique à des mises au chômage forcées, à l’absence de protection ou de mesures contraignantes, par exemple les dispositions
permettant aux salariés de se prémunir contre les licenciements. Avec un tel arsenal, la loi française dite « de modernisation sociale », aujourd’hui remise en cause, n’aurait jamais pu voir le jour, l’article 1-15 stipulant que « l’Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l’emploi des États membres, notamment en définissant les lignes directrices de ces politiques ».

DELOCALISATION

Article III 279
1. L’Union et les États membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées.

NON, parce que…
La politique industrielle de l’Union ne peut s’envisager séparément des principes libéraux et concurrentiels qui lui tiennent lieu de constitution. C’est ce qui est affirmé noir sur blanc à l’article III-279-3 lorsqu’il est précisé que « l’Union contribue à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1 au travers des politiques et actions qu’elle mène au titre d’autres dispositions de la constitution ».
Dans cette configuration, la réalisation des « conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie » et l’accélération de « l’adaptation de l’industrie aux changements structurels » doit se faire « conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels », précise le texte. Il s’agit ici de donner traduction juridique aux doctrines patronales en vigueur dans l’Union qui envisagent comme inéluctables les délocalisations, abandons de production, et rationalisations des effectifs au nom de l’« adaptation » des industries aux impératifs de la mondialisation capitaliste. Une politique dont l’objectif est la rentabilité immédiate exigée par les actionnaires au détriment de l’emploi, et que l’Union se propose d’accompagner.

SOCIAL

ARTICLE 11-94 : Sécurité sociale et aide sociale
1. L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection dans des cas tels que la maternité, la maladie, les accident du travail, la dépendance ou la vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.
3. Afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les règles établies par le droit de l’Union et les législations et pratiques nationales.

NON, parce que…
Le vocabulaire y est clairement choisi : liberté de travailler (II-15-2), au lieu de droit au travail ; le droit d’accéder à un service gratuit de placement et non le droit à un revenu de remplacement en cas de privation d’emploi (II-89), le droit à une aide au logement plutôt que le droit au logement.
La notion d’aide remplace la notion de droit par exemple « afin de lutter contre l’exclusion sociale, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement. Texte en retrait par rapport à la déclaration universelle des droits de l’Homme (1948) « toute personne à droit à un revenu suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».
Le droit à la protection sociale laisse place au « droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux » (article 11-94). Là encore le texte est en deçà de la déclaration universelle des droits de l’homme, qui affirme, à l’article 25, que toute personne « a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par la suite de circonstances indépendantes de sa volonté ». Elle constitue également un net recul au regard des principes énoncés par la Constitution française : « (La nation) garantit à tous [...] la protection de la santé, la sécurité matérielle [...]. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » (Préambule de 1946, article 11.)
Enfin, les « prestations de sécurité sociale » auxquelles les citoyens ont le droit d’accéder ne relèvent pas forcément d’un système de solidarité, elles peuvent tout aussi bien être assurées par des entreprises ou assurances privées, fonds de pension, etc.
L’article III-209 s’en remet au marché pour « favoriser l’harmonisation des systèmes sociaux ». Soumise à « la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union », cette harmonisation n’échappera donc pas à l’alignement sur les niveaux de salaires les plus bas et les législations sociales les plus défavorables aux peuples, et ce d’autant plus que n’existe dans ce texte aucune clause interdisant la régression sociale.

LES ETATS COMME CHIENS DE GARDE DU CAPITAL

ARTICLE 1-5 : Relations entre l’Union et les États membres
1. […] Elle respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale.
2. […] Les États membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union.
ARTICLE III-131
Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre, ou pour faire face aux engagements contractés par lui en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationale.

NON, parce que…
L’article 1-5-2 est d’ailleurs très explicite Une conception essentiellement « répressive » du rôle des États, inspirée directement de celle qui prévaut dans les rangs de la droite « sécuritaire » la plus réactionnaire en Europe, qui les ravale dans une fonction de « gardien » de l’ordre social établi par la constitution et entérine en retour la libéralisation totale des économies et des marchés.
L’article III-131 fixe comme priorité impérieuse pour les États membres, lorsque l’un des leurs est admis à déroger aux règles en vigueur pour faire face à des « troubles intérieurs graves » ou à des obligations de « maintien de la paix », de préserver avant tout le bon « fonctionnement du marché intérieur » de l’Union. Il est en revanche symptomatique de la construction proposée qu’aucune disposition équivalente ne soit prévue qui vienne inverser cet ordre de priorités entre le marché intérieur et les nécessités du maintien de la paix !
L’obligation faite aux États de s’abstenir de « mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union » équivaut à une obligation de mettre en œuvre la « concurrence libre et non faussée » prescrite par la Constitution. L’article 1-6 enfonce le clou, en se prémunissant par avance de toute velléité de passer outre ce principe : si jamais la détermination d’un État l’amenait à voter malgré tout une loi qui attente à ces principes, cet article la déclare en quelque sorte « nulle et non avenue », en affirmant la primauté en toutes circonstances du droit européen sur « le droit des États membres ».

SERVICE PUBLIC

ARTICLE 11-96 : Accès aux services d’intérêt économique général
L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union.

NON, parce que…
La notion de service public laisse la place à celle de « services d’intérêt économique général (SIEG) ». L’utilisation de ce terme entérine la primauté de l’objectif de rentabilité financière sur celui d’utilité sociale. La notion de SIEG permet de considérer ce qui relèverait de l’intérêt général comme une exception au marché, la concurrence étant érigée en règle indépassable pour l’organisation économique de la société. Par ailleurs, les missions « d’intérêt général » peuvent aussi bien être assumées par des entreprises privées avec un cahier des charges, assorti de remboursement public. Enfin, il n’est nulle part affirmé le droit à l’usage de biens communs à l’ensemble de l’humanité (énergie, l’eau, communication, culture).
A priori, l’article III-122 pourrait paraître acter une « avancée » en reconnaissant « la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ».
Les services ainsi dénommés s’insèrent en fait dans un ensemble juridique qui en limite singulièrement la portée, voire entre en contradiction avec la notion de service public précédemment admis en Europe. Le traité de Nice avait inscrit les services publics dans les « valeurs communes de l’Union ». L’article III-122 est bordé par l’application « sans préjudice » d’articles qui soumettent « les entreprises publiques et les entreprises auxquelles [les États] accordent des droits spéciaux ou exclusifs » (article III-166) au même régime que les autres entreprises en matière de concurrence libre et non faussée, d’interdiction des aides publiques, etc. (à l’exception du « remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public », article III-238).

UNE EUROPE DEMOCRATIQUE ?

ARTICLE 1-26 : La Commission européenne
1. La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’appli¬cation de la Constitution ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de celle-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes. Elle exerce des fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux conditions prévues par la Constitution. À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par la Constitution, elle assure la représen¬tation extérieure de l’Union. Elle prend les initiatives de la pro¬grammation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords inter institutionnels.
2. Un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement. Les autres actes sont adoptés sur proposi¬tion de la Commission lorsque la Constitution le prévoit.

NON, parce que…
Le traité constitutionnel confirme les pouvoirs énormes de la Commission, qui reste le véritable cœur de la vie politique de l’Union. Ainsi, « un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission », sauf exception (article 1-26-2).

Cela au détriment des autres institutions européennes, à commencer par le Parlement, émanation du suffrage universel mais qui reste privé du droit de proposition législative.
La Commission, précise la Constitution, « exerce aussi les fonctions de coordination, d’exécution et de gestion » (article 1-26-1), ce qui en fait un véritable gouvernement de l’Union au quotidien. Elle garde le contrôle de l’exécution du budget, dont elle détermine aussi les orientations avant que le Conseil et le Parlement ne tranchent. La Commission conserve son rôle de « gardienne des traités » : elle « veille à l’application de la constitution ». Elle se voit aussi attribuer un pouvoir de blocage dans deux des principales innovations institutionnelles de ce traité : les coopérations renforcées entre États et la possibilité ouverte à un million de citoyens de demander une proposition de loi. Dans les deux cas, la Commission peut décider de ne pas donner suite.
Malgré des formules séduisantes : « les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens » (article 1-46-3), « la Commission procède à de larges consultations » (article 1-47-3), la démocratie représentative comme participative est réduite dans les faits à peau de chagrin. Le « droit de pétition » reconnu aux citoyens européens (article 1-47-4) est soumis au bon vouloir de la Commission. Quand bien même des citoyens parviendraient à réunir un million de pétitions « pour pouvoir soumettre une proposition appropriée » à la Commission, celle-ci n’a aucune obligation d’examiner ni de prendre en compte l’initiative et les propositions formulées par les citoyens. Quant aux principes régissant la « démocratie participative », ils sont des plus aléatoires (article 1-47-1). Cet article stipule qu’il est possible de « faire connaître et d’échanger publiquement dans tous les domaines d’action de l’Union ». Mais la constitution passe sous silence les dispositifs nécessaires à la réalisation de cet objectif. Le projet de traité spécifie également que les institutions de l’UE entretiennent un dialogue avec des associations « représentatives » (article 1-47-1 et 2). Mais rien n’est dit sur les critères retenus pour accorder à telle ou telle association un caractère « représentatif ».
Ce point peut ouvrir la porte à la reconnaissance constitutionnelle de la pratique des lobbies aujourd’hui largement répandue jusque dans l’enceinte de l’Assemblée européenne qui héberge plus de 4000 associations.
Certains de ces groupes de pressions sont ouvertement liés à des intérêts privés.

DROIT DE L’HOMME

ARTICLE 1-9 : Droits fondamentaux
1. L’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux qui constitue la partie II.
2. L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Cette ad¬hésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans la Constitution.

NON, parce que…
L’article 1-9-2 pose comme principe que la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas « opposable » aux « compétences de l’Union telles qu’elles sont définies » par la constitution. Cela signifie que le droit de la constitution, et notamment le libéralisme économique sans limite qui y est gravé, est supérieur aux principes établis par cette convention : aucune obligation ne découle donc de s’y conformer. Il est d’ailleurs précisé plus loin (article 1-9-3) que ces droits « font partie du droit de l’Union en tant que « principes généraux » », ce qui n’engage à rien et laisse toute marge d’interprétation quant a leur application réelle.

IMMIGRATION

ARTICLE III-257
2. Elle assure l’absence de contrôles des personnes aux fron¬tières intérieures et développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre États membres et qui est équitable à l’égard des ressortissants des pays tiers. Aux fins du présent chapitre, les apatrides sont assimilés aux ressortissants des pays tiers.

NON, parce que…
L’esprit du chapitre IV reste dominé par la logique « d’Europe forteresse » qui avait guidé l’adoption des accords de Schengen. En même temps qu’elle ouvre ses frontières intérieures, l’Europe durcit les contrôles a ses frontières extérieures, en vue d’un contrôle strict des « flux migratoires » et développe pour cela une politique commune en matière « d’asile, d’immigration et de contrôle aux frontières extérieures » (article III-257-2).
À noter : l’absence de la moindre référence au droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers hors UE, pourtant en vigueur dans plusieurs pays de l’Union.
En matière de droit d’asile et de protection des réfugiés (article III-266), l’objectif d’harmonisation des politiques n’est assorti d’aucune disposition conservatoire protégeant les dispositions les plus favorables aux demandeurs d’asile et aux réfugiés.
L’article III-266-2-g. qui prévoit « le partenariat et la coopération avec des pays tiers pour gérer les flux de personnes demandant l’asile ou une protection subsidiaire ou temporaire » peut se traduire par le transfert du traitement des demandes d’asile hors du territoire de l’UE. Détournée, cette disposition peut conduire des États membres à se décharger de leur devoir de protection sur des pays tiers. De telles mesures seraient évidemment en contradiction avec la convention de Genève relative au statut des réfugiés, dont se réclame le texte à l’article III-266.
Enfin, l’article III-267-3 prévoit la possibilité pour l’Union de conclure avec des pays tiers des accords sur la réadmission des personnes « qui ne remplissent pas ou qui ne remplissent plus les conditions d’entrée, de présence et de séjour sur le territoire d’un État membre ».
La conclusion de tels accords peut se traduire par l’expulsion de personnes demandant une protection avant même examen de leur demande.

LAICITE

ARTICLE 1-52 : Statut des Eglises et des organisations non confessionnelles
1. L’Union respecte et ne préjuge pas du Mat ut dont bénéfi¬cient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses clans les États membres.[…]
3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ou vert, transparent et régulier avec ces Églises et organisations.

NON, parce que…
La constitution édicte le statut des Églises et les liens que l’UE entretient avec celles-ci (article 1-52). On notera en revanche qu’il n’existe aucune référence à la laïcité ou à la séparation des Églises et des États dans l’article consacré aux valeurs de l’Union (article 1-2).

PAIX

ARTICLE 1-41 : Dispositions particulières relatives à la politique de sécurité et de défense commune
2. […] La politique de l’Union au sens du présent article n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et elle est com¬patible avec la politique commune de sécurité et de défense arrê¬tée dans ce cadre.
3. […] Les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires

NON, parce que…
L’Union européenne a beau faire de la paix un de ses objectifs majeurs (article 1-3), les dispositions relatives à la « politique de sécurité et de défense commune » (article 1-41) constituent un pas en avant dans la militarisation de l’UE. L’alinéa 3 stipule que « les États membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ». C’est un appel clair à une hausse a long terme des budgets de la défense dans tous les Etats membres. La Constitution institue parallèlement une agence dont le nom est à lui seul un programme : « agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l’armement ». Les pays qui remplissent déjà « des critères plus élevés de capacités militaires » voient leurs efforts récompensés puisqu’ils sont invités à établir une « coopération structurée permanente » dans la droite lignée des accords conclus l’an dernier par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Cet encouragement explicite contraste avec les freins posés pour les coopérations renforcées civiles (voir article 1-44).
L’article 1-41 donne aussi une reconnaissance constitutionnelle, en lui faisant allégeance, à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), fer de lance de la politique militaire et extérieure des États-Unis.
Le texte déclare reconnaître l’OTAN comme « le fondement de la défense collective » des États européens qui en sont membres, et insiste sur le fait que la politique de sécurité et de défense de l’Union est « compatible » avec les obligations du traité atlantiste.
La Constitution ouvre la porte à une utilisation très large des moyens européens de défense. Parmi les missions détaillées dans l’article III-309, on trouve le recours aux « forces de combat pour la gestion des crises », une notion suffisamment vague pour recouvrir tout motif d’intervention en dehors du continent européen. L’Union s’offre ainsi le droit de « combattre le terrorisme sur le territoire » de « pays tiers ».

Le développement des moyens militaires des pays de l’Union, décidé dans l’article 1-41, trouve ici son application. L’article 309 détaille les missions auxquelles cette « capacité opérationnelle » mise à disposition par les pays membres peut être affectée.
Si l’accent est mis sur les missions à caractère humanitaire ou de maintien de la paix, l’Union s’offre la possibilité d’utiliser ses « forces de combat » pour la « gestion des crises », une notion assez floue pour justifier toute intervention en dehors des frontières de l’Union.
La projection de forces « dans des pays tiers » est implicitement envisagée dans le cadre du « soutien » à « la lutte contre le terrorisme », sans que soit précisé ce que recouvre cette notion.
L’utilisation des moyens militaires mis à disposition par les États reste très encadrée : le Conseil décide à l’unanimité (article 1-41-4). En revanche, le Parlement européen n’a aucun rôle décisionnel.
L’article III-311 détaille les missions de la future agence européenne de défense. Elle devra notamment « évaluer le respect des engagements de capacités souscrits par les États membres », ce qui en fait le gendarme de l’accroissement programmé des budgets de défense.
Elle est aussi amenée à jouer un rôle majeur dans la coordination des activités de recherche et industrielles.

IVG ET DROIT DES FEMMES

ARTICLE 11-62 : Droit à la vie
1.Toute personne a droit à la vie.

NON, parce que…
La formulation « droit à la vie » (article 11-62) fait problème, dans la mesure où le droit à l’IVG et à la contraception n’est nulle part mentionné dans le texte. La notion de « droit à la vie » sert en effet d’argument aux groupes de pression, États et instances religieuses, qui voudraient voir enterré le droit à l’IVG.
Il existe bien une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui bien que prudente et renvoyant essentiellement aux législations nationales, refuse d’étendre la notion de « personne » au fœtus. Il demeure que cette notion de « droit à la vie », en l’absence de référence au droit des femmes à disposer librement de leur corps, constitue une possible porte ouverte à la remise en cause du droit à l’IVG. Il faut également noter la mention du droit de se marier, sans aucune référence au droit au divorce ou aux unions hors mariage (article 11-69).

OMC

ARTICLE III-314
Par l’établissement d’une union douanière conformément à l’article III-151, l’Union contribue, dans l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la sup¬pression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres.

NON, parce que…
Présenté dès l’article 1-3 comme une « valeur » de l’Union dans ses rapports au « reste du monde », le « commerce libre » devient le credo unique de l’Union dans sa politique commerciale. L’article III-314 défend, au nom de « l’intérêt commun », « la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs », et « la réduction des barrières douanières et autres ». Ces deux derniers mots ont leur importance car ils peuvent couvrir toute forme de protection des marchés. C’est toute l’orientation de l’Union européenne à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et dans les négociations bilatérales qui est ainsi définie.
L’article III-315 apporte une nuance puisqu’il rend possible l’adoption de mesures de protection (« mesures de défense commerciale »), à prendre « en cas de dumping et de subventions ». Ce genre de mesures vise surtout à contrer les deux principales zones économiques rivales de l’UE, l’Asie et les États-Unis.
La conclusion d’accords commerciaux entre dans le champ de la majorité qualifiée. Mais plusieurs secteurs sensibles nécessitent l’unanimité du Conseil (article III-315-4) C’est le cas de la culture et de l’audiovisuel. Les services sociaux, l’éducation et la santé entrent aussi, sous certaines conditions, dans le champ de l’unanimité. Enfin, l’Union préserve la règle de l’unanimité pour les secteurs les plus exposés dans les futures négociations à l’OMC, ceux des services, de la propriété intellectuelle et ses investissements

RECHERCHE

ARTICLE III-248
1. L’action de l’Union vise à renforcer ses bases scientifiques et technologiques, par la réalisation d’un espace européen de la recherche dans lequel les chercheurs, les connaissances scienti¬fiques et les technologies circulent librement, à favoriser le déve¬loppement de sa compétitivité, y compris celle de son industrie, ainsi qu’à promouvoir les actions de recherche jugées nécessaires au titre d’autres chapitres de la Constitution.

NON, parce que…
L’article III-248 soumet la réalisation d’un « espace européen de la recherche » à des objectifs de « compétitivité », en permettant aux entreprises d’« exploiter les potentialités du marché intérieur à la faveur notamment de l’ouverture des marchés publics nationaux ».
Ce paragraphe et les suivants visent la multiplication des partenariats entre les activités privées de recherche et développement et celles des secteurs publics. Il est question de favoriser les efforts de coopérations en permettant aux chercheurs de « coopérer librement [...] et aux entreprises d’exploiter les potentialités du marché intérieur » et, pour cela, de procéder à « l’élimination des obstacles juridiques et fiscaux à cette coopération ».
Cette orientation peut conduire à une mainmise du secteur privé sur la recherche. Quant à l’article 11-250, il entérine la possibilité pour la Commission de procéder à « une surveillance et une évaluation » des programmes de recherche. Ce pouvoir peut se traduire par l’abandon d’axes ou de programmes de recherche jugés non ou peu rentables et donc mettre en danger la recherche fondamentale.

AGRICULTURE

ARTICLE III-227
1. La politique agricole commune a pour but :
[…] e- d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

NON, parce que…
Dans cette section consacrée à la politique commune de l’agriculture et de la pêche, il n’est jamais fait référence à la règle de préférence communautaire. Laquelle consiste à privilégier l’achat de produits à l’intérieur de l’Union européenne plutôt que leur importation en provenance de pays tiers. La constitution, en sacralisant le principe de « concurrence libre et non faussée », revient donc sur la préférence communautaire, inscrite dans le traité de Rome. Objectif : favoriser des importations à bas coûts pour faire pression sur les prix agricoles, comme sur les rémunérations. L’article III-227-l-e stipule d’ailleurs que la politique agricole a pour but « d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs », c’est-à-dire d’assurer l’abaissement généralisé des prix agricoles. Enfin, le principe de l’unicité des prix des produits agricoles à l’intérieur de l’Union laisse la place à « une politique commune éventuelle des prix » (article III-228-2).


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