
INSEE . Moins de demandeurs d’emplois recensés en avril : les créations de postes ne sont pourtant pas au rendez-vous.
Euphorique, Jean-Louis Borloo. Le ministre de l’Emploi a confié hier qu’il était « extrêmement heureux dans ce (qu’il) fait », et ne se sentait donc « pas agité pour d’autres fonctions », allusion aux spéculations sur son éventuelle nomination à Matignon. « Heureux », donc, car il est « en train d’accomplir un rêve » : que notre pays « se mette à considérer tout demandeur d’emploi comme une richesse », explique-t-il, faisant référence aux derniers chiffres du chômage. La preuve ? En avril, le nombre de chômeurs a baissé de 1,1 % (moins 26 300), il représente 9,3 % de la population active, soit 2 262 000 personnes. Sur un an, la diminution approche les 200 000 et ramène le chômage à son niveau de novembre 2002. Premier bémol, pointé par l’association de chômeurs APEIS : ce recensement ne concerne que les chômeurs de catégorie 1 (immédiatement disponibles, recherchant un emploi à temps plein et à durée indéterminée), excluant les 7 autres catégories des statistiques de l’INSEE. La vérité du nombre de chômeurs est plus proche des 5 millions, rappelle l’APEIS, si l’on retient toutes les catégories, les personnes dispensées de recherche d’emploi, les chômeurs en ASS et les non-inscrits (beaucoup de jeunes n’ayant droit à aucune prestation et ne voyant donc pas l’utilité de se faire convoquer).
Si l’on s’en tient aux chiffres officiels qui font la joie de nos gouvernants, le recul du fléau serait « le résultat d’une politique globale », mais avec « une composante économique majeure qui a permis le renforcement de la croissance », dixit Jacques Chirac, hier en Conseil des ministres.
Analyse difficilement crédible dans la mesure où les créations d’emplois, certes un peu reparties à la hausse (62 000 l’an dernier dans le secteur marchand), suivent un rythme très inférieur à la baisse du chômage. Le chef de l’État mentionne aussi l’impact du contrat nouvelle embauche (52 000 intentions d’embauche en avril), mais aucune étude n’a encore été rendue publique sur la part des emplois ainsi créés et qui se sont substitués aux CDD et aux CDI. Sont également invoqués le développement des emplois de services à la personne (plus 97 000 en 2005) - sans s’appesantir sur la grande précarité d’un grand nombre de ceux-ci - et les mesures spécifiques du plan de cohésion sociale, en particulier l’impulsion donnée à l’apprentissage, la remontée des contrats aidés, et les contrats de professionnalisation. Décidé à afficher les meilleurs chiffres, électoralement parlant, à lde 2007, Jean-Louis Borloo déclare « faisable de passer sous la barre des 9 % d’ici à la fin de l’année », puis « d’accélérer » encore le mouvement. Entre le « rêve » d’un chômage statistique en baisse et la réalité d’un emploi précaire en forte croissance, les Français pourraient faire la différence.
Yves Housson